Lever les yeux, chaque année
C’est un rituel discret, mais profondément ancré : chaque automne, j’ouvre ma fenêtre pour observer les grues.
Comme moi, d’autres lèvent la tête. Dans la rue, un passant s’arrête. Un enfant désigne le ciel. Et tous, pendant quelques secondes, nous suivons du regard ce cortège ailé, ce grand V parfaitement ordonné qui fend l’air.
L’hiver approche.
Les grues fuient le froid du Nord, en quête de douceur plus au Sud.
C’est un exode saisonnier, instinctif, joyeux, bruyant parfois — dans les cris d’appel de ces longues traînes noires se détachant du ciel bleu. Et toujours, elles reviendront, après l’épreuve de l’hiver.
L’envie de partir… puis celle de rester
Moi aussi, parfois, j’aimerais me mettre à l’abri.
Fuir les épreuves, laisser passer la tempête, m’éclipser quelques mois pour revenir entier, intact, reposé.
Trouver, comme elles, la douceur d’un ailleurs. Puis revenir, guidé par les saisons.
Mais je reste. Comme vous.
Je n’ai pas d’ailes pour m’élever. Pas de nid à construire ailleurs.
Je reste, et je traverse. Pas toujours sereinement, mais je traverse.
Les grues comme rappel de notre capacité à avancer
Chaque passage de grues est une fête intérieure. Une jubilation légère.
Pas seulement parce qu’elles sont belles ou libres. Mais parce qu’elles reviennent. Chaque année. Sans faute.
Et moi aussi, je suis toujours là. Présent, debout, malgré l’hiver. Malgré les doutes. Malgré l’incertitude.
Leur passage me rappelle que le temps file, mais que l’on progresse, même lentement.
Elles tracent dans le ciel une ligne invisible que nous suivons à notre manière, ancrés dans la terre mais engagés dans le mouvement.
Rendez-vous au prochain vol
Alors, les yeux vers le ciel, je leur glisse un rendez-vous pour plus tard.
Elles ne le savent pas, mais je leur fais une promesse discrète : celle de me déployer, moi aussi.
Et quand elles reviendront, nous verrons ensemble le chemin parcouru.
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